Dossier sur les pratiques de la SAFER et de la chambre d’agriculture dans le Pays de Retz et ailleurs

I – Les détails du dossier :

 

4 exploitations sont à transmettre dans le secteur de Pornic :

  • Une exploitation à la Plaine sur mer qui représente 150 hectares environs, en production lait et céréales et qui emploie 3 personnes

 

  • Trois à la Bosse (Pornic) qui représentent plus de 300 hectares: une exploitation laitière et viande bovines céréales qui emploie 3 travailleurs, une exploitation Jeunes bovins qui emploie un travailleur, et une exploitation céréalière qui emploie un travailleur

Soit un ensemble de 4 exploitations qui font vivre 8 travailleurs « avec des performances économiques correctes »

Un repreneur s’est manifesté auprès des cédants, il s’agissait d’un agriculteur d’Eure et Loir qui souhaite acquérir 600 hectares. D’après l’agent du territoire de la mairie de Pornic, la SAFER a alors été missionnée pour satisfaire les ambitions du repreneur.

 

La première conciliation SAFER a porté sur 326 hectares

 

4 candidats ont déposé un dossier : L’agriculteur d’Eure et Loir pour la totalité, Morice Stanislas pour 1 hectare, une jeune paysanne pour 6 hectares, Leray Jean Yves pour 15 hectares. D’autres jeunes porteurs de projet ont été dégoûtés d’emblée de déposer un dossier, par les techniciens SAFER ou Patrick Prin, président de la chambre d’agriculture locale, tels que des jeunes souhaitant racheter la ferme de Sébastien Prou (témoignage plus bas).

Une jeune paysanne reçoit la visite du président de la Safer Patrick Prin qui vient chez elle sans prévenir suite à son dépôt de dossier en lui posant nombre de questions insidieuses (comme si il était l’enquêteur de la SAFER).

Témoignage de cette jeune paysanne. :

« J’ai envoyé un courrier recommandé à la Safer avec ma candidature ainsi que le numéro des parcelles qui m’intéressaient autour de ma ferme. Cécile Cottancin (Technicienne SAFER du Pays de Retz) m’a rappelé pour savoir si je voulais déposer un dossier mais qu’il faudrait payer ( elle a bien insistée^^) On a fini par fixer un rdv pour constituer un dossier, c’était la première fois que je rencontrais une personne de la Safer et je m’attendais à être soutenue, aidée et conseillée, j’ai tout de suite compris à son discours que ce ne serait pas le cas. »

 

C.C « Je ne vous conseille pas de déposer un dossier car vous allez perdre de l’argent en frais de dossier car l’on a déjà un acquéreur pour la totalité et c’est sur qu’il sera prioritaire car nouvel installant et JA » « Vous n’avez rien à échanger ? car vous êtes en plein milieu des terres qu’il va acquérir ça pourrait à la limite être envisageable. »

 

« Je lui ai expliqué ma situation, j’ai grandi à cet endroit et que je n’ai aucunement l’intention de partir et au contraire que je souhaite m’agrandir afin d’être auto suffisant en fourrage et me diversifier en céréales bio en collaboration avec mon conjoint. Installée depuis 2014, malheureusement je n’ai actuellement que 6.4ha et que non je n’avais vraiment rien à échanger. Elle a fini par accepter de prendre ma candidature sous certaines conditions, d’acheter du foncier avec les terres agricoles. Soit il y en avait pour 13000 euros de terres pour 6.5 ha environ auquel il fallait rajouter 17000 euros de matériel à se partager à l’amiable avec l’autre repreneur, soit un total de 30000 euros. On a donc signés ainsi pour le dépôt de dossier. En mai dernier j’ai un appel de cette dame m’annonçant sur un ton jovial que mon dossier n’avait pas été retenu et ne me donnant pas de raison de la réponse négative.

 

Entre le dépôt du dossier et la commission Safer, j’ai eu la visite surprise de Patrick Prin un week end, il est arrivé à l’improviste et mon conjoint lui a demandé ce qu’il faisait là, « j’ai pas le droit de le dire » à t-il répondu, il a regardé mes prés, mes chevaux à poser pleins de questions sur ma ferme et ma vie personnelle  » Vous n’avez pas d’enfants? vous savez si ça vous arrive ça coute cher… il faut bien se développer pour pouvoir être rentable.. ».

Puis des questions sur ce que j’envisageais de faire avec les terres, et m’a dit que mon projet était trop petit pour dégager beaucoup d’argent.. et aucunes considérations pour le Bio envisagé. Également « vos papiers pour les chevaux sont en règle ?… Vos fourrages vous les prenez où ?… etc… »

 

Puis il est revenu après la commission Safer en changeant un peu de casquette en étant moins rentre dedans en me disant qu’il avait soutenu mon dossier et que c’est dommage qu’il ne soit pas passé car ces terrains sont vraiment très proches de chez moi.

Mais que le nouvel arrivant était quelqu’un de très bien et responsable…

Même si j’ai douté fortement de sa sincérité on s’est quitté là-dessus cordialement. »

 

Sebastien Prou, paysan boulanger témoigne : « Un des motifs pour lequel nous n’avons pas conclu la transmission avec les jeunes qui étaient intéressés par ma ferme est qu’ils n’ont pas trouvé les terres supplémentaires nécessaires pour leur installation (entre 20 et 40 hectares pour cultiver le blé pour le pain qui faisaient partie du lot vendue par les cédants), alors qu’au même moment se libérait environ 400 ha ? Je me demande : que fait la Safer avec qui mes jeunes sont en contact pourtant ?? ». Patrick Prin a déclaré en commission locale safer sur ces candidats :  » Si c’est pour cultiver les terres en friche comme Prou, c’est pas la peine ! »

A l’issu de cette première conciliation la totalité des 326 hectares est attribuée à l’agriculteur d’Eure et Loire

 

Une deuxième conciliation porte sur 34 hectares

 

2 candidats ont déposé un dossier : L’agriculteur d’Eure et Loire pour la totalité et G. et R. (jeunes petit-e-s paysan-ne-s de Pornic) pour 7 hectares

7 hectares sont proposés à G. et R. mais en plus du prix des terres, ils doivent débourser 20 000 € de matériel choisi par l’agriculteur d’Eure et Loir a un prix surestimé, La liste du matériel leur est fournie tardivement (un vendredi pour une décision attendue le lundi !), puis comme G. et R. demandent d’où vient ce matériel et pourquoi il est mis à ce prix là, on leur annonce le lundi que LETIERCE, l’agri d’Eure et Loire récupérera finalement les 7 hectares !

Un véritable chantage et passe-droit pour pouvoir s’installer qui s’apparente à de la mafia ! Il s’agit également d’une spéculation déguisée sur le prix des terres qui entraîne pour les jeunes paysan-ne-s une impossibilité de s’installer !

Le témoignage de R. et G. bientôt publié (échange mail avec la SAFER rendu anonyme)

 

Surface restante

 

Sur les 90 hectares restant, la Safer ne joue pas le rôle d’intermédiaire. 30 hectares vont à un jeune installé et le reste à l’agriculteur d’Eure et Loir.

 

Epilogue

 

L’agriculteur d’Eure et Loir obtient environ 420 hectares pour de la monoculture céréalière en conventionnel. Étonnamment les terres convoitées sont déjà semées, un fermage a donc probablement été établi avec les cédants avant la transaction.

Nous avons su à posteriori que le prix des terres demandé par les cédants étaient aux alentours de 5000 euros l’hectare (en incluant le matériel racheté à prix d’or), soit plus de 3500 euros autour de la moyenne des terres équivalentes dans le Pays de Retz ! Et la SAFER a donc cautionné cela, ouvrant la porte à la spéculation foncière dans le coin, à l’inverse d’une de ses missions premières, comment les jeunes feront pour s’installer à des prix comme cela alors que la terre est pauvre et ne vaut aucunement ce prix !

Suite à la mise en lumière du dossier par le collectif et aux accusations portées contre la Safer, mais apparemment surtout parce que les cédants souhaitaient encore obtenir plus de l’agri d’eure et loire après l’accord de la SAFER, le repreneur se retire du plateau de la Bosse et conserve uniquement la ferme de la Plaine sur mer

La SAFER s’est également dévoilé dans la presse (Ouest France du 18/12 /18) en déclarant qu’elle ne voyait aucun problème à avoir accepté le dossier du gros agri et écarté les jeunes petits paysan-ne-s ! En utilisant une métaphore d’ailleurs hallucinante pour justifier l’installation des gros agris au détriment des petits « C’est comme si on demandait à quelqu’un de démembrer sa maison » sic !

 

II – Les justifications des acteurs locaux institutionnels sur ce dossier

 

Mail d’un contact à la SAFER :

Contacté par téléphone au moment des conciliations, Patrick Prin, Président de la chambre d’agri locale et élu au conseil municipal de Pornic, explique les pas de porte matériel en disant que « sa mission est de satisfaire les cédants ».

Convoqué lors du rassemblement de lundi 17, il se présente vers 13h et se justifie ainsi :

« Il fallait un permis poids lourds pour ces fermes », « ce n’est pas ma responsabilité, ce sont les comités locaux qui ont décidé, je ne suis intervenu dans aucun dossier » (les visites aux porteurs de projet prouvent le contraire) « vous savez bien qu’il y a des lois et des considérations techniques qui font que les plus petits projets n’ont pas pu être retenus «

 

La foule a alors scandé « démission ! » et les échanges avec lui ont été vif mais franc, sauf de sa part puisqu’il a nié en bloc tous les faits ou à éviter de répondre aux questions qui le dérangeaient. Malgré une proposition de conciliation (remise à plat du dossier et commission composée d’habitant-e-s du territoire et d’orgas environnementales), qu’il a d’ailleurs refusé, la remarque d’une manifestante « il est tellement rouge comme un pivoine » l’a fait quitter la discussion

Un échange plus cordial à quelques-uns à la fin du rassemblement avec Mr Prin où nous l’avons remis en face de ses mensonges (il affirmait par exemple que la mairie ne pouvait porter les terres, qu’il n’était jamais intervenu dans ce dossier, qu’il ne le connaissait d’ailleurs pas autant que nous SIC !), de ses contradictions et nous lui avons dit que ce n’était que le début de notre mobilisation et que nous révèlerons toutes les magouilles qu’il y a eu dans ce dossier, Mr Prin a fini par lâcher: « De toute manière, je suis bientôt à la fin de mon mandat, alors vous savez… » (sic).

Nous avons su par le lendemain que le maire de Pornic suite à notre rassemblement a proposé une solution à Phillipe Gautreau, intervenu lors du rassemblement, pour que la situation ne se retourne pas contre eux. En effet, la mairie de Pornic s’apprêterait à porter les terres et à étudier des candidatures.

Si l’information est confirmée, quelles candidatures, les petits porteurs de projet écartés pourront-ils enfin avoir droit aux quelques hectares qu’ils demandaient ? Cela se passera-t-il encore une fois dans l’opacité ? A quel prix ? (si c’est au prix demandé par les cédants, c’est hors de question !) Quelle type d’agriculture ? Et quid de l’agri d’Eure et Loire qui a quand même acheté la ferme de la plaine sur mer, car il convoitait au total 600 hectares, va-t-il en rester là ?

En attendant, c’est la SAFER qui reprend les terres en 2019 et l’agriculteur d’Eure et Loire reste à ce jour toujours prioritaire !

 

III – C’est quoi la SAFER ?

 

Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont 26 sur le territoire français. Ce sont des sociétés anonymes dont les administrateurs et décisionnaires dans les commissions sont les collectivités territoriales (pour un tiers), les chambres d’agriculture et les syndicats agricoles (pour un autre tiers) et des banques, centres comptables, associations, etc (pour un autre tiers).

Elles sont placées sous contrôle de l’Etat et ont une mission d’intérêt public qui est la suivante :

  • Faciliter l’installation de jeunes agriculteurs
  • Assurer la transparence du marché foncier rural et éviter la spéculation foncière
  • Protéger les paysages et maintenir la diversité biologique

Pour se faire un instrument puissant : le droit de préemption.

Les notaires ont l’obligation d’informer la SAFER de chaque intention de vente d’un bien agricole. Le droit de préemption permet à la SAFER, si elle l’estime souhaitable, de prendre la place de l’acheteur lors de la vente d’une terre agricole. Si la SAFER considère que le prix est trop élevé par rapport au marché, elle peut même proposer un prix revu à la baisse. Le vendeur peut soit accepter, soit retirer le bien de la vente. Une fois la terre achetée par la SAFER, elle est remise à la disposition des producteurs. L’agriculteur qui veut l’acquérir doit répondre à un appel à candidatures. Les candidatures sont étudiées par un comité regroupant des représentants des syndicats agricoles, et des élus locaux.

Or ce droit de préemption est aujourd’hui peu utilisé (En 2012 seulement 5 % de l’ensemble des opérations réalisées par les Safer[1]) Et quand ce droit est utilisé c’est rarement pour installer des jeunes : En 2012, sur 88 000 hectares préemptés puis rétrocédés par la SAFER, seulement 2761 hectares concernent la première installation de jeunes agriculteurs[2].

Aujourd’hui La SAFER tient le plus souvent le rôle d’intermédiaire, car elle bénéficie d’une exonération fiscale sur les droits d’enregistrement et elle opère des arrangements avec les acheteurs qui versent une rémunération à la SAFER, Ces rémunération constituent aujourd’hui jusqu’à 68 % de ses sources de revenus[3]. C’est pourquoi on assiste à des transactions qui concernent de plus en plus des immeubles bâtis à valeur élevé. GROS CONFLIT D’INTERET

Aujourd’hui les informations sur les terres disponibles à la vente sont très cantonnées au monde agricole, il aura même fallu attendre 2012 pour que les SAFER mettent à disposition de toutes les organisations de producteurs, et plus seulement au syndicat majoritaire, les déclarations d’intention de vente de bien agricole qui lui sont envoyées par les notaires. Or c’est une information essentielle pour pouvoir réguler la taille des exploitations dans chaque région et installer des jeunes.

Interrogé alors sur sa casquette Mairie de Pornic il botte encore en touche « les communes ne peuvent pas préempter » ce qui est faux la commune de Pornic aurait pu exercer son droit de préemption.

 

IV – Les suites du dossier

 

Suite à notre rassemblement, il a été proposé de se réapproprier la gestion des terres agricoles par l’ensemble des habitant-e-s du territoire et non dans l’opacité la plus totale par les élu-e-s et représentant-e-s de la chambre d’agriculture et des syndicats agricoles. Ces élus et représentants siègent à la SAFER et ne rendent aucun compte aux habitant-e-s concernées de près par les enjeux agricoles et de société: gestion de l’eau, pollution, biodiversité, paysage, vie sociale économie locale liée à la petite paysannerie, etc… Ces questions ne pourront trouver de réponses satisfaisantes tant que des représentant-e-s d’assos environnementales, d’assos comme Terres de Liens et d’habitant-e-s du territoire ne seront pas présents à la commission étudiant le dossier et que les avis de ces commissions ne soient pas accessibles publiquement !

Il a également été rappelé les missions d’intérêt général et publiques de la SAFER (voir plus haut) auxquels elle a complètement dérogé dans ce dossier et le fait que nous les lui rappellerons lors d’un deuxième rassemblement le lundi 14 Janvier à partir de 11h30 à Nantes devant la chambre d’agriculture 44 où siège également la SAFER départementale (là où la commission décisionnaire a avalisé le dossier du gros agri au détriment des jeunes paysan-ne-s).

Cette mobilisation vise également à dénoncer les pratiques mafieuses de la SAFER qui incitent au préalable les jeunes petits porteurs de projet à ne pas déposer de dossier et si ils le font à leur demander un pas de porte qui s’assimile à une spéculation sur le prix des terres et à un chantage illégal qui incite également des petits porteurs de projet à abandonner ! Et si ils y parviennent, ce serait pour se ruiner déjà d’avance !

Si ces pratiques mafieuses se répandent, comment les jeunes pourront s’installer dans les années à venir ?!

Cela fait des années que les politiques, syndicats, entreprises font leur sauce dans leur coin au détriment de l’intérêt général et de l’avenir de nos campagnes, il est temps d’exiger notre implication à toutes et à tous dans ces problématiques cruciales et urgentes !

Notre mobilisation de Lundi aura déjà fait bouger concrètement les choses dans le bon sens, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire !

Reprenons en main l’avenir de nos campagnes ! Tant que cela ne sera pas la réalité, nous ne lâcherons pas et nous vous invitons à nous rejoindre dans ce combat pour notre avenir !

 

Appel à rassemblement pour dénoncer l’éviction des petit-e-s paysan-ne-s des terres agricoles ! Toutes et tous le 14 Janvier devant le siège de la SAFER 44 !

Récit de la mobilisation du 17/12 devant la chambre d’agri du Pays de Retz et récit détaillé des magouilles de la SAFER avec la complicité de la chambre d’agriculture et des collectivités locales

Récit : Quand la SAFER livre les terres agricoles à l’agro-industrie à Pornic (44) en écartant les jeunes paysan-ne-s !

Voir les deux appels à mobilisation contre l’acception par la SAFER de l’achat de 4 fermes par un gros agri céréalier d’Eure et Loire au détriment de jeunes paysan-ne-s :

La SAFER prête à livrer le bocage de Pornic (44) au saccage de l’agriculture industrielle ! Communiqué de presse pour le rassemblement du 17 Décembre

Mobilisons-nous le 17 Décembre contre un énorme accaparement de terres par un agriculteur industriel sur Pornic (44)

 

1 commentaire sur “Dossier sur les pratiques de la SAFER et de la chambre d’agriculture dans le Pays de Retz et ailleurs

  1. C’est un scandale.. alors que la demande en bio dépasse largement l’offre, que la France est encore le bonnet d’àne en ce domaine et que notre balance commerciale est de plus en plus déficitaire, que nous citoyens réclamons de plus en plus fort une économie qui respecte l’environnent et notre santé, qui offre tellement plus d’emploi ,les pouvoirs publics et les élus favorisent toujours l’agriculture industrielle

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